13 mai 2024
Paris match 1955

Olivia de Havilland, so French

Son nom, son visage ne vous sont sans doute pas étrangers ; les plus curieux auront peut-être même vu le fameux Gone with the Wind (Autant en emporte le vent), qui consacra sa collègue Vivien Leigh pour l’éternité. Olivia de Havilland a beau être une actrice d’un autre temps (on n’a plus vu son nom à l’écran depuis 1979), elle ne nous a quittés qu’en 2020, à 104 ans. Retour sur l’existence mouvementée et les liens avec la France de « la doyenne d’Hollywood ».


二人のスターが生まれる

Nés tous les deux en Angleterre, respectivement à Londres et à Reading, Walter Augustus de Havilland (1872-1968) et Lilian Ruse (1886-1975) quittent leur terre natale pour… le Japon ! 12 000 kilomètres plus loin, Walter continue à étudier le droit, alors que Lilian a vraisemblablement abandonné sa carrière d’actrice. Ils se marient en 1914, et ont deux filles, Olivia Mary de Havilland en 1916 et Joan de Beauvoir de Havilland en 1917, qui naissent toutes les deux à Tokyo comme citoyennes britanniques.

Walter, Lillian, Olivia, et deux nourrices japonaises – Hulton Archive/Getty Images

Walter, en plus d’un business très prenant, avait aussi un agenda extraconjugal plutôt rempli, mais surtout une dévorante passion pour le jeu de Go, dont il devient un des premiers joueurs européens connus. Tout ça ne lui laissait guère de temps pour Lilian ni pour ses enfants. Si le divorce ne sera officiellement prononcé qu’en 1925, Lilian le réclame depuis déjà six ans. Néanmoins, c’est tous les quatre qu’ils partiront pour la Californie en 1922, espérant y trouver un climat plus propice à la bonne santé des deux petites filles.   

Who’s who in Japan, 1916, p.37

Le père parti, Lilian se remarie avec George Fontaine, dont elle gardera le nom pour la postérité. Elle retourne petit à petit à la scène, en donnant des cours de théâtre, puis, ses petites filles devenues grandes, en redevenant actrice, jouant même pour Billy Wilder (The Lost Weekend). Olivia et Joan suivront la voie maternelle et deviendront toutes les deux des icônes internationales, mais pas sous le même nom : Olivia restera Olivia de Havilland, alors que Joan prendra le nom de sa mère pour devenir Joan Fontaine.

I’ve won, but at what cost?

Débutant au théâtre dans Alice in Wonderland, Olivia de Havilland trouve vite le chemin des plateaux de cinéma, avec Alibi Ike, alors qu’elle n’est âgée que de dix-neuf ans. Le succès ne tarde pas non plus, avec Gone with the wind (1939), qui lui vaut une nomination à l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle.

Les sœurs de Havilland en 1945 – Silver Screen Collection/Getty Images

En 1941, alors que Joan est toujours citoyenne britannique et qu’Olivia vient d’être naturalisée américaine, elles sont nommées toutes les deux pour l’Oscar de la meilleure actrice. Olivia, nommée pour son rôle dans Hold back the dawn, perd à nouveau, mais tient à féliciter sa sœur, qui l’ignore publiquement. Cet épisode est un bon indicateur de la relation chaotique entre les deux sœurs, dont l’origine serait la différence de traitement entre elles par leur mère, qui aurait toujours favorisé l’aînée. Leur relation entre la scandaleuse Joan et la vertueuse Olivia s’éteint définitivement en 1975, avec la mort de Lilian.

I married first, won the Oscar before Olivia did, and if I die first,
she’ll undoubtedly be livid because I beat her to it !

JOAN FONTAINE

(« Je me suis mariée la première, j’ai gagné l’Oscar avant Olivia et, si je meurs la première, elle sera sans doute folle de rage parce que je l’ai encore battue ! »)

La consécration viendra tout de même pour Olivia avec To Each his own (1946) et The Snake Pit (1948), qui lui valent deux Oscars de la meilleure actrice. Joan meurt en 2013, laissant derrière elle une fille, Deborah Dozier (1948-), et sans jamais avoir revu sa sœur (bien qu’on ait tout tenté pour les réunir, aux Oscars 1988 comme au centième anniversaire de Bette Davis, en vain). « Pour ma part, le lien était aimant, parfois étranger, et ces dernières années rompu », conclura Olivia à la fin de sa vie.

Paris pour crépuscule

Après-guerre, Olivia de Havilland tourne moins (elle refuse notamment un rôle dans A Streetcar named Desire), donnant la priorité à sa vie de famille, elle qui avait, des années durant, repoussé les avances du séducteur Errol Flynn. Elle épouse d’abord l’écrivain Marcus Goodrich (1897-1991), dont elle a un fils, Benjamin (mathématicien, 1949-1991), puis décide de vivre à Paris. Après son divorce avec Marcus, elle prend pour mari le journaliste de Paris-Match Pierre Galante (1909-1998). Avec lui, elle reste près de vingt-cinq ans, et a son deuxième enfant, Gisèle (1956-), célèbre pour avoir fréquenté Johnny Halliday à la fin des eighties. Née à l’hôpital américain de Paris, Gisèle Galante s’est mariée par deux fois en Californie (en 2005 et 2011).

Olivia de Havilland et Pierre Galante lors de leur mariage à Yvoy-le-Pré (2 avril 1955) – René Vital

Olivia a principalement vécu au 3 rue Bénouville (à deux pas de l’avenue Foch), puis, plus âgée, dans une suite de l’hôtel Saint-James, à quelques centaines de mètres de son ancienne adresse. Elle aura aimé Paris jusqu’au bout, fréquentant assidûment les salons de thé de l’île Saint-Louis, et y meurt le 26 juillet 2020 à l’âge de 104 ans, dix ans après avoir reçu la Légion d’honneur. Elle est d’abord incinérée au Père-Lachaise, mais son urne funéraire est ensuite transférée à Guernesey, île sur laquelle sont enterrés la plupart de ses ancêtres paternels.

Olivia la Conquérante

Guernesey… destination pleine de sens pour une Française d’adoption et de cœur (elle en a même obtenu la nationalité, et parlait un très bon français). Au-delà d’être le théâtre de l’exil de Victor Hugo (qui y a écrit Les Misérables), l’île a gardé des liens indéfectibles avec la France depuis son rattachement à la couronne britannique en 1204. Et en effet, si l’on regarde de plus près l’arbre généalogique de Walter de Havilland, on retrouve de nombreux noms à consonance française : Dobrée, Martin, Blondel, de Saumarez, Le Marchant, Le Mesurier, Duport, Perrin…

INAStars – 1965 : Olivia de Havilland « J’ai tourné des chefs-d’oeuvre » | Archive INA

S’il est difficile d’établir pour chaque branche – tant elles sont nombreuses et lointaines – à quelle époque elle a rejoint l’île de Guernesey, il est entendu que le premier De Havilland s’est installé à Guernesey au cours du Moyen-Âge, et il passe pour être un compagnon français de Guillaume Le Conquérant, nommé « de Haville ». Ces siècles passés sur l’île ont laissé des traces, comme le Havilland Hall, plus grand domaine privé de l’île, que l’architecte Thomas Fiott de Havilland, l’arrière-grand-oncle d’Olivia et Joan, aurait fait construire au début du XVIIIe siècle.

Havilland Hall – Priaulx Library

Olivia de Havilland avait-elle dans un coin de la tête ses lointains aïeuls lorsqu’elle disait ne se « sentir chez elle » qu’à Paris ? C’est un des mille mystères qu’elle a emportés avec elle après cent quatre ans et vingt-cinq jours sur Terre.

Sources complémentaires :
Daniel Bubbeo, The Women of Warner Brothers, 2001
Antoine Sire, Les cent ans d’Olivia de Havilland, la Lady conquérante d’Hollywood, pour Slate, 2016
Geoffroy Caillet, Olivia de Havilland, la légende a 100 ans, pour Le Figaro, 2016
Samuel Blumenfeld, L’actrice de 101 ans Olivia de Havilland refuse de passer pour une peste dans la série « Feud », pour Le Monde, 2018
Anonyme, Décès d’Olivia de Havilland, star du film « Autant en emporte le vent », à 104 ans, pour l’AFP, 2020
Bianfrance.org
Geneanet : travaux de Brynjulf Langballe et Tim Dowling

Une réflexion sur «  Olivia de Havilland, so French  »

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